Comment savoir si vos créations sont protégées par le droit d’auteur ? Que vous soyez un artiste confirmé ou une personne regorgeant de créativité, cela reste une question délicate à laquelle il est difficile d’apporter une réponse claire et précise tant le domaine du droit d’auteur est vaste.
Commençons par poser les bases : tout type d’œuvre littéraire ou artistique peut bénéficier de la protection par le droit d’auteur à condition d’être originale et exprimée dans une forme permettant sa communication au public.
Ces deux dernières conditions sont nécessaires mais suffisantes pour bénéficier de la protection du droit d’auteur. Contrairement aux idées reçues, aucun formalise particulier n’est requis pour bénéficier du droit d’auteur.
Cependant, les notions d’originalité et de mise en forme nécessitent quelques précisions.
L’ORIGINALITE
Une création est protégée par le droit d’auteur si elle est originale, en ce sens qu’elle est une création intellectuelle propre à son auteur. Il est de jurisprudence constante qu’une création intellectuelle est propre à son auteur lorsqu’elle reflète la personnalité de celui-ci, lorsqu’elle porte « l’empreinte de sa personnalité »((C.J.U.E., 1er décembre 2011, C-145/10, Painer, A&M, 2012, pp. 322-330 ; C.J.C.E., 16 juillet 2009, C-5/08, Infopaq, A&M, 2009, pp. 521-525 ; Cour de Justice Benelux, 22 mai 1987, R.C.J.B., 1988, p. 568 ; Cass., 11 mars 2005, A&M, 2005, p. 396 ; Cass., 10 décembre 1998, Pas., 1998, n° 516 ; Cass., 24 février 1995, Pas., n° 108 ; Cass., 2 mars 1993, Pas., 1993, n° 123 ; Cass., 27 avril 1989, Pas., 1989, n° 492.)).
Tel est le cas lorsque l’auteur a exprimé ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des « choix libres et créatifs »((C.J.U.E., 1er mars 2012, C-604/10, Football Dataco, A&M, 2012, pp. 331-336 ; C.J.U.E., 1er décembre 2011, C-145/10, Painer, A&M, 2012, pp. 322-330 ; C.J.U.E., 22 décembre 2010, C-393/09, BSA, A&M, 2011, pp. 324-327 ; Cass., 14 décembre 2015, A&M, 2016/2, p. 160 ; Cass., 17 mars 2014, J.L.M.B., 2015/15, p. 680.)). L’auteur doit ainsi disposer d’une certaine marge de manœuvre afin d’exprimer sa créativité.
Attention : l’originalité et la nouveauté sont deux notions différentes : ni le caractère innovant, ni la nouveauté, ne constitue une condition au bénéfice de la protection par le droit d’auteur ! Les objets qui nous entourent au quotidien, bien qu’ils ne soient pas nouveaux ou innovants, peuvent tout à fait bénéficier d’une protection par le droit d’auteur dès lors qu’ils sont originaux. Par exemple, la forme d’une chaise peut être protégeable par le droit d’auteur.
Par contre, lorsque des contraintes techniques sont imposées à l’auteur dans la réalisation de son œuvre, de sorte qu’il ne dispose d’aucune liberté artistique, la protection par le droit d’auteur sera exclue.
LA MISE EN FORME
Pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur, il faut encore qu’elle soit revêtue d’une forme concrète. Cela ne signifie pas que l’œuvre doit être placée sur un support matériel mais simplement qu’elle doit être perceptible par les sens et donc revêtir une forme d’expression concrète.
Des idées, des méthodes, des règles ou encore des concepts ne peuvent, en principe, pas être protégés par le droit d’auteur car il s’agit d’idées abstraites. En revanche, leur expression, leur formalisation ou leur composition peuvent être protégées. En d’autres termes, la création doit avoir dépassé le stade de l’idée et avoir reçu une certaine concrétisation.((Voy. à ce sujet : F. De Visscher et B. Michaux, Précis du droit d’auteur et des droits voisins, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 8 et s.))
Par ailleurs, la question de la protection des concepts par le droit d’auteur a déjà été soulevée à plusieurs reprises, notamment dans un arrêt de la Cour d’appel de Liège de 1999((Liège, 22 mars 1999, A&M, 2002/4, pp. 349-351.Pour la décision en première instance : Civ. Arlon, 3 octobre 1996, A&M, 1997, p. 185.)) : dans cette affaire, l’auteur avait développé un projet d’animation autour du thème « La ville des enfants » pour la ville d’Houffalize. Par souci d’économie, la ville avait décidé de se passer finalement de l’auteur et de reprendre le concept en confiant la réalisation à une autre société. Quant à l’auteur évincé, celui-ci estimait que la ville ne pouvait reprendre sans son autorisation son projet d’animation et il revendiquait par conséquent des droits d’auteur sur son concept.
La Cour d’appel de Liège a tranché en faveur de la protection du concept de l’auteur : « un concept d’aménagement d’une ville autour d’un thème particulier (en l’espèce « La ville des enfants ») peut constituer en soi, par la réunion de ses éléments, une création originale protégée par le droit d’auteur ».((Ibidem, p. 349.)) La Cour a en effet considéré que le concept en cause constituait bien une création originale et la reprise de ce concept sans l’autorisation de son créateur constituait une violation des droits de l’auteur.
De même, la Cour d’appel de Bruxelles a quant à elle jugé qu’un concept de programme de télévision remplit la condition de mise en forme.((Bruxelles, 18 juin 1996, A&M, 1997, p. 60. Sur la protection des concepts de programme de télévision : C. De Keersmaeker, « Rechten op concepten voor televisieprogramma’s », A&M, 1997, pp. 28-33.)) De manière générale, la doctrine belge considère qu’un concept de programme, qui vient développer et structurer une idée, est une forme protégeable.((C. De Keersmaeker, Ibidem, p. 30 ; M. Buydens, La protection de la quasi-création, Bruxelles, Larcier, 1993, p. 272.))
Selon nous, une distinction doit donc être opérée entre l’idée abstraite non concrétisée, qui reste de libre parcours, et « le concept » en tant que création formalisée. Cela a pour conséquence que certains concepts originaux qui sont développés, concrétisés et donc protégés, ne peuvent être reproduits ou copiés sans l’autorisation de l’auteur de ce concept.
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Un conseil général peut être dégagé de ces enseignements : dès que vous pensez avoir une idée ou un concept original, vous ne devez pas hésiter à le matérialiser par un écrit, un schéma, des dessins ou d’une toute autre manière. Par la suite, il sera utile de donner une date à votre création originale. Pensez au e-dépôt par exemple.
Article de Frédéric Dechamps & Adeline Balza, avocats chez Lex4u.
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