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10 janvier 2022

Le référencement sur Internet et le droit des marques : quelques aspects juridiques

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1. Les catégories de référencement

De nos jours, le référencement sur Internet constitue un enjeu majeur pour les entreprises, en particulier en vertu de la visibilité que cette pratique confère à un site Internet. 

Il existe deux catégories de référencement sur Internet : le référencement “naturel” et le référencement “payant”.

Le référencement dit “payant” implique l’achat de mots-clés permettant de faire apparaître, en cas de concordance entre ces mots et celui contenus dans la requête adressée par un internaute à un moteur de recherche, une annonce publicitaire avec un lien dirigeant vers le site de l’annonceur. Ce référencement est accompagné de la mention « annonce », « liens commerciaux » ou « liens sponsorisés ». A noter que ce type de référencement apparaît dans des zones distinctes des référencements naturels. 

Le référencement dit “naturel”, ou “SEO” (Search Engine Optimization) implique quant à lui un choix stratégique quant aux termes utilisés  dans le contenu du site Internet (les “balises”) afin d’indexer ce dernier par les moteurs de recherche et le faire monter dans les résultats affichés, et ainsi optimiser le référencement du site Internet. 

Dans les deux cas, le référencement permet de positionner un site Internet dans les premiers résultats des moteurs de recherche.

Parmi les mots-clés généralement choisis dans le cadre d’un référencement se trouvent des termes génériques, mais aussi des marques et en particulier des marques concurrentes. Toutefois, toutes les pratiques ne sont pas permises pour accroître sa visibilité sur Internet.

2. Les pratiques illicites

Peut-on utiliser les marques de concurrents comme mots-clés afin d’obtenir un meilleur référencement sur Internet ? 

En principe, sensu stricto, l’usage de la marque d’un tiers dans la vie des affaires et sans y être autorisé au préalable constitue un acte de contrefaçon. Où se trouvent les limites entre l’usage permis et la contrefaçon ?

Que ce soit pour obtenir un meilleur référencement naturel ou pour recourir au référencement payant, la sélection des mots-clés est décisive. L’utilisation de mots-clés reprenant des marques n’est pas en soi illicite. En effet, c’est davantage l’orientation du comportement économique de l’internaute accompagné d’un risque de confusion qui constituent ensemble une pratique commerciale litigieuse, comme l’illustrent les jurisprudences de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) exposées ci-dessous.

  • L’affaire Google Adwords1

Adwords est un service de référencement payant développé par Google. Dans cette affaire qui date de 2010, trois titulaires de marques avaient assigné Google en contrefaçon pour avoir permis à des tiers d’utiliser leurs marques comme mots-clés dans le cadre de l’optimisation du référencement de leur site Internet. 

En ce qui concerne les annonceurs, la CJUE considère que le titulaire d’une marque peut interdire à un annonceur de faire de la publicité, à partir d’un mot-clé identique ou similaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque litigieuse est enregistrée, “lorsque cette publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à “l’internaute moyen” de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers” (point 45 de l’Arrêt).

Les titulaires de marque peuvent donc interdire les annonces portant sur des produits et services identiques aux leurs et qui apparaissent grâce à la sélection de mots-clés identiques à leur marque. 

Mais cette prérogative d’interdiction d’usage de la marque est néanmoins liée à une condition essentielle : cet usage doit porter atteinte à l’une des fonctions essentielles de la marque, à savoir la garantie d’origine.

C’est le cas lorsque les annonces ne permettent pas ou permettent difficilement à l’internaute de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’une entreprise tierce. En ce sens, il y a un véritable risque de confusion dans le chef de l’internaute car la publicité telle que présentée est de nature à induire en erreur ce dernier quant à l’origine des produits ou services. 

En ce qui concerne les prestataires de service (comme Google par exemple), l’emploi de mots-clés correspondant à des marques de tiers dans le cadre de leur service de référencement sur Internet n’est en soi pas un acte de contrefaçon. En matière de contrefaçon, la CJUE traite en effet différemment les prestataires de services de référencement et les annonceurs.

  • L’affaire Interflora c/ Marks & Spencer2

Dans l’affaire Interflora c/ Marks & Spencer de la CJUE, les juges ont considéré que les titulaires de marque (renommée) ne peuvent interdire des annonces sur Internet affichées par des concurrents via l’utilisation de mots-clés correspondant à ces marques et qui proposent des alternatives par rapport aux produits ou aux services des titulaires de marque, tant que cette utilisation ne porte pas atteinte aux fonctions de la marque, ou ne porte préjudice au caractère distinctif de la marque (dilution) ou à sa renommée (ternissement), et ce sans offrir une imitation des produits ou services des titulaires de marque (point 95 de l’Arrêt).

En revanche, la responsabilité de l’annonceur peut être engagée dès lors que l’usage de la marque d’un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque. 

C’est le cas notamment lorsqu’un tel usage porte atteinte à la fonction d’origine de la marque, c’est-à-dire que l’annonce telle que affichée contient des indications de nature à tromper l’internaute sur l’origine des produits et services annoncés. 

Une annonce peut aussi être perçue comme trompeuse et donc illicite dès lors qu’elle suggère l’existence d’un lien économique avec le titulaire d’une marque. C’est le cas lorsque l’internaute n’est pas en mesure de déterminer si l’annonceur est une tierce partie par rapport au titulaire de la marque ou s’il est économiquement lié à ce dernier. 

Cette décision se situe dans la lignée de la jurisprudence de la CJUE concernant le référencement payant (Adwords), qui avait considéré que l’utilisation d’une marque d’un tiers dans le cadre du référencement ne constituait pas une contrefaçon en soi tant qu’il n’était pas porté atteinte à la fonction de garantie d’origine de la marque.3. ConclusionsEn matière de référencement naturel ou payant, l’usage de la marque d’autrui sera licite tant qu’il ne porte pas atteinte aux fonctions de la marque et, plus particulièrement, qu’il ne suggère pas un lien économique entre le titulaire de la marque et l’annonceur, provoquant un risque de confusion dans l’esprit de l’internaute/consommateur. En revanche, l’usage de la marque d’un tiers en matière de référencement est strictement interdit dès lors que l’internaute est susceptible de se méprendre sur l’origine des produits ou services visés par l’annonce. In fine, quelle que soit la technologie utilisée dans le cadre d’un référencement, les Cours et Tribunaux condamnent toute pratique qui entraîne un risque de confusion dans le chef du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif.Rappelons que c’est l’orientation du comportement économique de l’internaute accompagné d’un risque de confusion qui constituent ensemble une pratique commerciale litigieuse. En effet, constituent des pratiques commerciales déloyales celles qui sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle (risque de confusion avec la marque du titulaire) et qui sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen (orientation du comportement économique).Quoi qu’il en soit, lorsque vous souhaitez utiliser les techniques du référencement pour promouvoir votre site Internet, une attention toute particulière doit être accordée aux mots-clés sélectionnés afin de ne pas porter atteinte aux marques concurrentes. Lorsque vous utilisez des mots-clés en référence à une marque protégée, gardez à l’esprit les directives suivantes :Votre annonce doit permettre à l’internaute de distinguer aisément que les produits ou services visés par l’annonce ne proviennent pas du titulaire de la marque ou d’une entreprise qui lui est liée économiquement : soit l’annonce en elle-même est suffisamment explicite, soit le lien figurant dans l’annonce est dirigé vers des sites Internet, tels que des sites de seconde main (ex. : eBay, Vinted), dont l’internaute est censé savoir que ces sites Internet ne font évidemment pas partie du réseau de distribution de la marque.En d’autres termes, l’annonce ne doit pas contenir des indications laissant entendre un quelconque rattachement avec le titulaire de la marque, elle ne suggère pas l’existence d’un lien économique avec le titulaire de la marque.Si le mot-clé choisi constitue à la fois une marque mais également un mot du langage courant (ex.: Caddie, Tupperware, Scotch), il doit être utilisé dans l’annonce dans son sens commun, soit pour désigner de manière générique les produits ou services promus, soit pour décrire les produits ou services, et ce sans référence à la marque.Frédéric Dechamps et Adeline Balza , avocats chez Lex4u.Notes

  1. Affaire Google Adwords : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=80480&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=394802
  2. Affaire Interflora : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=109942&doclang=FR

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