1.- La loi du 2 avril 2014 a introduit dans le Code de droit économique, un livre X intitulé « Contrats d’agence commerciale, contrats de coopération commerciale et concessions de vente».
Auparavant, outre le droit commun, trois lois particulières régissaient les contrats de distribution commerciale :
– la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d’agence commerciale ;
– la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée ;
– la loi du 19 décembre 2005 relative à l’information précontractuelle dans le cadre d’accords de partenariat commercial.
Ces trois lois ont été abrogées et remplacées par le livre X du Code de droit économique, qui est entré en vigueur le 31 mai 2014.
Ce livre X reprend tel quel le contenu de la loi du 13 avril 1995 et de la loi du 27 juillet 1961, mais apporte quelques modifications par rapport à ce qui était prévu dans la loi du 19 décembre 2005 relative à l’information précontractuelle.
2.- La première modification concerne le champ d’application de la loi du 19 décembre 2005. Cette dernière s’appliquait en effet aux « accords de partenariat commercial conclus entre deux personnes, qui agissent chacune en son propre nom et pour son propre compte, par lesquels une de ces personnes octroie à l’autre le droit, en contrepartie d’une rémunération, de quelque nature qu’elle soit, directe ou indirecte, d’utiliser lors de la vente de produits ou de la fourniture de services, une formule commerciale ». (Art. 2 de la loi 19 décembre 2005 relative à l’information précontractuelle dans le cadre d’accords de partenariat commercial)
Cette formulation entrainait de nombreux débats sur l’étendue du champ d’application, notamment par rapport au contrat d’agence commerciale.
Une partie de la doctrine considérait en effet sur cette base que le contrat d’agence commerciale ne pouvait être régi par cette loi, puisque l’agent agit au nom et pour compte du commettant. Une autre partie estimait au contraire qu’une telle interprétation n’était pas conforme au but du législateur, qui était de protéger une partie considérée comme faible, agissant en son nom et pour son compte au moment de la négociation et de la conclusion d’engagements contractuels importants.
Avec la loi du 2 avril 2014, la limitation prévue dans l’article 2 de loi du 19 décembre 2005 de devoir agir « en son nom propre et pour son propre compte » pour entrer dans le champ d’application de la loi a été supprimée.
Par conséquent, les dispositions légales relatives à l’information précontractuelle s’appliquent dorénavant sans discussion possible aux agents commerciaux, aux commissionnaires, aux courtiers et aux mandataires agissant en leur nom propre mais pour le compte d’un tiers.
La condition de l’existence d’une rémunération n’est plus exigée et les contrats concernant plus de deux parties concernent également le champ d’application de la nouvelle loi.
Les contrats d’agence de banque et d’assurance en sont, par contre, dorénavant expressément exclus.
3.- Ensuite, quelques modifications de fond ont également été apportées au contenu de la loi du 19 décembre 2005 relative à l’information précontractuelle :
– la loi interdisait strictement aux parties de souscrire un engagement, de demander ou de payer quoi que ce soit avant l’expiration d’un « délai de réflexion » d’un mois qui devait s’écouler entre le moment de la fourniture des informations requises et la signature effective du contrat. A présent, cette interdiction persiste « à l’exception des obligations prises dans le cadre d’un accord de confidentialité » ;
– la nouvelle loi clarifie la question des formalités à accomplir en cas de modifications des informations et de la proposition de contrat, en prévoyant qu’un nouveau délai d’un mois prend cours à chaque transmission d’informations modifiées, sauf lorsque la modification a été demandée par écrit par la personne protégée ;
– la nouvelle loi instaure une procédure moins lourde pour les renouvellements ou prorogation de contrats en cours : le formalisme est allégé et se limite à la transmission d’un projet d’accord et d’un document simplifié, reprenant les dispositions contractuelles importantes et les données nécessaires pour l’appréciation correcte de l’accord, qui ont été modifiées par rapport au document initial ;
– en cas de non respect des obligations légales d’information précontractuelle, la partie protégée n’avait précédemment qu’une seule possibilité : invoquer la nullité du contrat ou de certaines de ses dispositions, dans les deux ans de sa conclusion. Cette solution posait toutefois quelques difficultés pratiques, car la nullité est une sanction qui s’applique de manière rétroactive.
Par conséquent, en cas de nullité du contrat ou de certaines dispositions, les parties devaient être replacées dans leur situation initiale, comme si le contrat ou ces dispositions n’avaient jamais existé. Or, s’il est possible de restituer des marchandises, on ne peut rendre des prestations déjà accomplies… La restitution par équivalent pouvait dès lors s’avérer nécessaire, et les parties n’étaient donc pas réellement replacées dans leur situation initiale. Aujourd’hui, les parties protégées ont toujours cette possibilité de demander la nullité, mais peuvent en plus invoquer le droit commun en matière de vice de consentement ou de faute quasi-délictuelle, ce qui permettra d’obtenir des effets juridiques plus adaptés.
4.- On peut toutefois regretter que législateur ne soit pas allé plus loin dans sa démarche de consolidation.
La loi du 13 avril 1995 réglementait en effet tous les aspects du contrat d’agence commerciale, alors que la loi du 27 juillet 1961 envisageait uniquement la résiliation unilatérale pour certaines concessions de vente, et la loi du 19 décembre 2005 l’aspect précontractuel pour certains contrats de coopération commerciale.
Pour le reste, il fallait se tourner vers le droit commun.
L’élaboration de la nouvelle loi aurait pu permettre de remédier aux difficultés qu’entrainent cette juxtaposition de législations, en regroupant dans un même texte les règles s’appliquant à tous les contrats de distribution commerciale et en envisageant tous les aspects.
Malheureusement, ce n’est pas encore le cas puisque, pour le contrat de franchise par exemple, il faudra toujours chercher les solutions dans le droit commun pour tout ce qui ne concerne pas la phase précontractuelle.
En conclusion, le livre X du Code de droit économique a le mérite de réunir le contenu de trois lois dans un même texte, d’étendre le champ d’application de l’ancienne loi du 19 décembre 2005 relative à l’information précontractuelle et de mettre fin à certaines controverses, mais aurait sans doute pu faire avancer d’avantage l’harmonisation de la législation.
Frédéric Dechamps & Laura Vancaelemont // Avocats au Barreau de Bruxelles