Le 3 juin 2013, la « loi relative à l’acte sous seing privé contresigné par les avocats des parties » a été publiée au Moniteur belge.
Comme son intitulé l’indique, cette loi introduit un nouveau type d’écrit dans notre législation, à mi chemin entre un acte authentique et un acte sous seing privé.
Un projet de loi avait déjà été déposé en 2011 pour créer « l’acte d’avocat« .
Cette première version du texte était toutefois loin de plaire aux notaires qui y voyaient une intrusion dans leur domaine professionnel. Ce projet prévoyait en effet de donner une force exécutoire à certains des actes contresignés par des avocats, notamment en matière de transactions de vente.
Le texte a donc été modifié et ne donne plus aujourd’hui qu’une force probante renforcée aux actes sous seing privés contresignés par des avocats.
L’idée est d’améliorer la sécurité juridique et de diminuer le nombre de cause de litiges possibles, en permettant aux parties à un acte de se faire assister d’un avocat qui les éclairera sur le contenu et les conséquences juridiques de ce qu’ils s’apprêtent à signer.
Par son contreseing, l’avocat atteste également de l’identité des parties signataires. Il sera donc beaucoup plus difficile de nier par la suite avoir signé l’acte ou d’invoquer un vice de consentement tel que l’erreur par exemple.
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’acte contresigné par un avocat est dispensé des mentions manuscrites exigées par la loi, qui avaient pour but d’attirer l’attention du signataire sur la nature exacte de ses engagements.
En France, ce type d’acte existe depuis la « loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques« .
Notre « acte d’avocat » est clairement inspiré de cette loi française, et présente de grandes similitudes avec celle-ci : en France comme en Belgique, une valeur probante plus importante est accordée à l’acte contresigné ; il est dispensé des mentions manuscrites et c’est la procédure de faux civil qui devra le cas échéant être lancée à son encontre.
Toutefois, en France, il peut n’y avoir qu’un seul avocat qui représente toutes les parties, alors que la loi belge prévoit que chaque partie ayant un intérêt distinct doit être assistée par un avocat différent.
Il semblerait également qu’en Belgique, « l’acte d’avocat » ne puisse être utilisé que pour les actes bilatéraux.
A notre sens, il existe une certaine incertitude à ce sujet car cette limitation n’est pas exprimée clairement dans le texte de la loi.
Il s’agit d’une interprétation qui ressort en tout cas des travaux parlementaires.
On peut en effet y lire :
« …La ministre répond que le projet de loi vise uniquement les conventions bilatérales et nullement les actes unilatéraux. Elle fait remarquer que le projet utilise chaque fois les termes « les parties ». Il s’agit de sécuriser l’exécution de conventions en évitant des contestations relatives à la preuve… »
Pourtant, en matière d’actes unilatéraux, un acte plus simple à réaliser qu’un acte authentique mais avec une force probante plus importante qu’un acte sous seing privé aurait pu être très utile.
On pense notamment aux donations ou reconnaissances de dettes au sujet desquels les contestations sont fréquentes.
De même, en matière de testaments, il arrive qu’un héritier invoque à tort la démence de l’auteur du testament qui ne lui est pas favorable, ou encore qu’une personne déshérite ses enfants sans savoir qu’en Belgique ceux-ci ont malgré tout droit à la réserve successorale.
L’assistance d’un avocat qui aurait contresigné l’acte aurait permis d’éviter cela.
En définitive, l’acte d’avocat constitue certainement une avancée dans le monde juridique, mais on ne perçoit pas la raison pour laquelle son champ d’application devrait être limité aux seuls actes multilatéraux comme l’affirme Madame la Ministre.
Si tel est bien le cas, on pourrait regretter que le chemin parcouru vers une amélioration de la sécurité juridique ne l’ait pas été jusqu’au bout.
Laura Vancaelemont – Avocate au Barreau de Bruxelles
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